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Les peintures d' Emmanuel

A Boulleret :Victor Hugo(suite)

Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre/ Que des êtres charmants/S'en aillent, emportés par le tourbillon sombre/Des noirs événements...

Considérez que je ne pouvais pas /Prévoir que vous aussi, sur ma tête qui ploie/Vous appesantiriez votre bras triomphant,/Et que , vous qui voyiez comme j'ai peu de joie,/Vous me reprendriez si vite mon enfant!...

Considérez qu'on doute, mon Dieu!quand on souffre,/Que l'oeil qui pleure trop finit par s'aveugler,/Qu'un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,/Quand il ne vous voit plus,ne peut vous contempler,

Et qu'il ne se peut pas que l'homme, lorsqu'il sombre/Dans ses afflictions,/Ait présente à l'esprit la sérénité sombre/Des constellations.

Seigneur, je reconnais que l'homme est en délire/S'il ose murmurer;/Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,/Mais laissez-moi pleurer!

Hélas!laissez les pleurs couler de ma paupière,/Puisque vous avez fait les hommes pour cela/Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre/Et dire à mon enfant:Sens-tu que je suis là?

Laissez-moi lui parler, incliné sur ses restes,/Le soir, quand tout se tait/Comme si , dans sa nuit, rouvrant ses yeux célestes,/Cet ange m'écoutait!

Hélas!vers le passé tournant un oeil d'envie,/Sans que rien ici-bas puisse m'en consoler/Je regarde toujours ce moment de ma vie/Où je l'ai vu ouvrir son aile et s'envoler.

Je verrai cet instant jusqu'à ce que je meure,/L'instant, pleurs superflus!/Où je criai: L'enfant que j'avais tout à l'heure,/Quoi donc!je ne l'ai plus!

Ne vous irritez pas que je sois de la sorte/O mon Dieu! Cette plaie a si longtemps saigné!/L'angoisse dans mon âme est toujours la plus forte,/Et mon coeur est soumis, mais n'est pas résigné.

Ne vous irritez pas! fronts que le deuil réclame,/Mortels sujets aux pleurs,/Il nous est malaisé de retirer notre âme/De ces grandes douleurs.

Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires,/Seigneur, quand on a vu dans sa vie, un matin/Au milieu des ennuis, des peines, des misères,/Et de l'ombre que fait sur nous notre destin

Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,/Petit être joyeux/Si beau , qu'on a cru voir s'ouvrir à son entrée/Une porte des cieux...

Que c'est la seule joie ici-bas qui persiste/De tout ce qu'on rêva,/Considérez que c'est une chose bien triste/De le voir qui s'en va!"

Victor Hugo

A Boulleret  :Victor Hugo(suite)
A Boulleret  :Victor Hugo(suite)
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J
J'ai toujours des frissons lorsque je lis cette lettre de Victor Hugo. Cette phrase me revient souvent: " L'enfant que j'avais tout à l'heure, quoi donc! Je ne l'ai plus! "
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