Les Sables d'Olonne 2019

J'ai besoin de me calmer après une semaine à Paris.J'arrive à Angles à 11h30, toujours bien accueillie par Chantal et Roger. Je retrouve les gens du Mans, Mado et Jean-Claude très sympas.

Les Sables sont grouillants de vacanciers. Les bateaux sont à quai. Je vois La Mie Câline, MANU est toujours au-dessus de la porte, Arnaud est un chic type, il l'a laissé depuis novembre, je suis émue aux larmes.

Moby Dick est là mais pas Le Corse. Sur le remblai, un jeune bien sympa me grave une médaille , on discute, son oncle a fait comme toi, même avec 2 enfants! Beaucoup de familles sont touchées, on n'en parle pas. Il dit "Il a une bonne bouille, votre Manu, ça se voit."

Je déjeune aux Régates, c'est transformé mais je reconnais le coin où tu étais en 2008.J'aime me retrouver à ta place, dans ton ombre, j'ai l'illusion de te faire revivre même si ça fait très mal.

"Je crois qu'on survit dans les gens qui nous ont aimé." Nina Companeez

"Tout ce qu'elle a fait dans sa vie, elle l'a fait pour lui. Et maintenant, elle continue car la mort n'a rien changé. Il vit en elle, il est sa raison d'être." "Elle sent sa chaleureuse présence dans ces lieux où il est souvent venu. Elle lui demande sa protection."dit l'écrivain de Sonia Gandhi, je ne suis pas folle, les autres ressentent les mêmes sentiments.

Oh! j'ai pu voir Arnaud Boissières et le remercier d'avoir gardé ton nom. Ses 3 coéquipiers préparent le bateau et il arrive, 5 mn après, ils partent en course, me dit-il, pour emmener des sponsors, il est charmant mais pressé. Je suis contente comme si Manu naviguait avec lui. C'est un symbole fort pour moi.

"Notre mental est intolérant à la souffrance.

Notre motivation est la barre du bateau: en contrôlant le gouvernail, elle détermine la direction de notre traversée. La volonté est le vent qui gonfle les voiles et nous permet d'arriver à bon port. " Matthieu Ricard

"Et demeure mon amour pour toi, par delà les frontières de ta mort. Apparences fugaces d'un oiseau, beauté éphémère d'un être tout d'élan, d'envol et de fragilité, qui passe et renaît. Accepter le passage d'un état à un autre, ainsi que l'irréversibilité de son absence. Une part de soi reste avec le mort dans sa tombe, une part de soi meurt avec lui." Myriam Watthee Delmotte

"Pouvoir accepter et surmonter"

J'ai une journée chargée, 300 kms pour aller à Arcachon et la rocade de Bordeaux est toujours encombrée, c'est stressant.

Je passe voir Eliane puis je déjeune avec Eymeric, il me montre le voilier, il envisage de faire un parcours écolo jusqu'au Canada l'an prochain.

L'île de Ré est un paradis des vélos. Que de monde! Je monte au phare des baleines comme chaque année comme je te l'ai promis en 2010. Ton nom sur la plage avec des cailloux me plaît au milieu des cairns.

"S'adresser au défunt permet de lui conserver un statut d'interlocuteur, de le faire exister encore. Car il est toujours trop tôt pour se séparer de ceux qu'on aime." "Ne pas dire mort. Avouer ta mort est un scandale. Sans toi, je suis errante, sans visage et sans nom, une femme flottante, un bateau sans lieu d'ancrage, une dérive.On m'a arraché un membre et comme on a longtemps mal au membre absent, j'ai mal à ton absence. Comment faire pour tenir? D'abord le fantasme du merveilleux, la blessure, la solitude du chagrin(je suis la gardienne de la tombe, je suis restée seule avec toi, dépositaire du coeur de la tombe)

La tombe est le signe permanent de la présence humaine, témoignant d'une relation inaltérable entre mort et culture...Un homme mort est intouchable, sacré."Myriam Watthee Delmotte

Ces écrivains me confortent dans ma relation avec toi.

La Flotte et son petit port me rappellent ta haute silhouette. Aline et Philippe m'ont gentiment invitée à déjeuner avec leurs 3 petits-enfants.

Je jette une rose à Saint-Martin. La plage de la cible est bien remplie aussi, on y a passé des journées avec pique-nique. Je  ramène 5 bouteilles de sable pour le tour de la tombe, la pluie ravage tout l'hiver.

A Saint-Gilles Croix de Vie, la grande plage est longue pleine de surfeurs à marée haute. Je jette une rose . Je mange moules frites à la Playa, tu aurais adoré.

Quand elle a perdu son fils, Indira Gandhi a écrit:"On peut surmonter la haine, l'envie, la convoitise et beaucoup d'autres émotions négatives et autodestructrices. Mais la douleur est autre chose. On ne peut ni l'oublier, ni la surmonter. Il faut apprendre à vivre avec elle, à l'assimiler et à lui faire une place dans sa vie."

Sonia Gandhi le dit aussi:"La rêverie , douce et douloureuse, à la fois, ne dure pas longtemps mais elle est très intense car les morts vivent dans le coeur des vivants qui les ont aimés."

Je reçois un accueil chaleureux à Thorigny pour l'assemblée générale de l'association Voiles des anges. Un grand plaisir pour moi de retrouver Céline et Christophe et les adhérents sympathiques. On était 100 au départ il y a 4 ans, puis 30 puis une quinzaine. Ce sont les vacances...Conrad n'est pas sûr de participer au Vendée Globe 2020. Quel dommage! on a d'autres bateaux pour emmener nos enfants sur de petites courses.

Une nouvelle maman du joli nom d'Iris est venue de Paris, elle a perdu sa petite fille de quelques jours mais elle a eu la joie d'en accueillir une autre, un an après.Quelle belle rencontre! Elle m'envoie un message formidable le soir.

"Je ne me rends pas compte du millième de ce que représente de perdre son enfant à un âge si avancé et de cette manière. Je connais la souffrance de la perte d'un enfant , cet atroce sentiment d'un basculement irréversible et insupportable et cette certitude que plus rien ne sera jamais comme avant. Et puis cette impuissance extrême. On subit cette douleur et on ne peut rien y faire...l'envie d'être dans un profond coma et de se réveiller quelques années plus tard  en se disant qu'au bout de quelques années, la plaie béante sera refermée mais la cicatrice sera toujours là et jamais ne partira..."

Merci, Iris, vous êtes quelqu'un d'une grande intelligence, votre souffrance est égale à la mienne.

On a pique-niqué dans le jardin au milieu des poules, coqs, poussins, chèvres, le chien Mabel, le chat Malo, et plein d'enfants, une convivialité que tu aurais aimé, Emmanuel. Je pense à toi sans cesse , certains ont ton âge, je devrais avoir des petits-enfants comme eux, je reste triste et nostalgique mais je ne dois rien montrer. Ces voyages et ces belles rencontres me tiennent debout. Je verrai Iris à Paris, promis.

"L'éternité, c'est la mer mêlée au soleil." Rimbaud