Fin du procès France Telecom juillet 2019

Je suis retournée assister au procès pour la fin en juillet.

Les avocats des parties civiles ont défendu les victimes. J'ai moins peiné , là, c'est la chaleur qui m'a épuisée. Catherine m'a accueillie chez elle, si gentiment et je vais 2 jours à l'hôtel.Elisabeth est venue avec beaucoup d'empathie. Elles me disent que tu serais fier de moi. Je suis contente de l'avoir fait pour ne pas oublier, pour l'hommage dû aux victimes, la mémoire, la dignité, l'honneur et témoigner.

Un ingénieur et un technicien ont parlé avec émotion, des larmes dans la voix. "A 35 ans, on était trop vieux" "Il fallait s'autoformer""Il fallait demander une plate-forme commerciale"

L'environnement dégradé a porté atteinte au comportement psychique, dit l'avocat. Ces gens sont très intelligents rompus à la défense de l'économie, il faut mettre les gens à la porte de gré ou de force. Il s'agit d'un harcèlement organisationnel...Les hommes ont droit au travail, admettre qu'un employé est moins performant, vulnérable est intolérable. L'être humain n'est pas une marchandise. La France est un exemple pour la défense des hommes, malheureusement...le lieu de travail est un exercice de pouvoir avec le choix des cibles...Ce sont les penseurs de ce système qui sont devant vous...Nous ne jugeons pas une crise économique mais une guerre contre les fonctionnaires...On déstabilise , on fait germer l'idée d'incapacité, on élimine le maillon faible...92% avaient souscrit des actions donc ils avaient confiance en leur entreprise...Ceux qui ne sont pas morts physiquement sont détruits psychiquement. Oui les changements sont difficiles mais là, on parle d'une politique délibérée. Les syndicats, les médecins, les inspecteurs du travail tirent la sonnette d'alarme, rien n'y fait...c'est le silence du mépris...Le PDG a écrit"Je décrète les objectifs, à vous de trouver les moyens" Dès 2006, il est dit qu'on ne peut pas prendre en compte l'aspect humain. Le congé de fin de carrière ne sera plus acté donc changez de travail avant. Il fallait faire du moins avec une politique de dégrader les gens, des mobilités forcées, des départs...on ne tient en compte que les suicides sur le lieu de travail...Il y a les exécutants, les exécuteurs et les managers décideurs...A quoi ça sert d'être un chef si vous n'assumez rien! Les prévenus ont l'exaltation de ceux qui  détiennent la vérité...avec la complicité des pouvoirs publics...

Mme le Procureur a démoli les 7 prévenus un par un, rappelé l'intervention de certains médecins, détaillé l'organisation hiérarchique, prouvé qu'ils ne pouvaient pas ignorer les drames et conclu en leur disant;"Messieurs, vous pouvez dire:le harcèlement moral est mon métier"

Le public a commencé à applaudir; non, non, a dit l'huissier.

Un autre avocat:"Les suicides montrent une impérieuse volonté de ne plus souffrir.Que l'on soit fragile, dépressif, bipolaire ou pas, et alors, on ne convoque que les faibles, mais non, on ne doit pas abandonner ses employés...En 2010, Stéphane Richard reprend "une société en proie à un malaise profond"...Cependant ils n'ont aucun doute "Si c'était à refaire, on le referait"

Un autre:"Humilier un salarié n'est pas productif...c'est bien le reflet d'une politique  générale d'entreprise" et elle cite 8 cas de suicides dont toi, Emmanuel!

C'est une énorme opération de destruction de l'emploi qui a causé une souffrance inouie, c'est un immense accident du travail organisé par l'employeur . Même les gens fragiles ont le droit d'être protégés...

Mr Lombard est un gaffeur "par la porte ou par la fenêtre". Cette gaffe a détruit la confiance "Si vous voulez sauver l'entreprise, partez" C'est dévastateur. Je conviens qu'il y a eu des réussites: maître nageur, start up, proviseur de lycée...mais peu, certains ont acquis des savoirs non transférables.Les techniciens étaient fiers du défi technologique à réaliser, on pouvait le faire sans les jeter. Il a manqué une relation humaine de proximité."Que l'environnement professionnel ne soit plus une cause de désespoir" La médecine du travail n'est pas là pour soigner les maux mais pour anticiper, empêcher la maladie d'arriver"

Mme le Procureur :"Quel dommage, Mr Lombard, qu'un esprit aussi fin et élevé...que vous ayez de la tristesse mais pas de regrets, que vous soyez si sûr de vous...""Vous recherchiez la déstabilisation, la vérité vous dérange, c'est une tragédie"

Le pire fut d'écouter les victimes, les vivants détruits et les morts défendus par leur épouse. J'ai souffert d'entendre les mots d'Emmanuel: "On est des cibles""Ils vont nous virer""Je fais mon travail mais ils ne veulent plus de moi""Ce que je fais, c'est bien mais ce n'est jamais assez""Ils se moquent de nous. Qu'est ce que je vais devenir?"

Méprisants, arrogants, suffisants, supérieurs au menu peuple, les prévenus ne regardent pas les autres, même pas l'avocat qui leur parle.

Je suis hantée par ces figures de dédain, je comprends les révolutionnaires qui ont coupé la tête à tout ce qui représentait la noblesse, la richesse; on n'écrase pas impunément les autres, même petits.

J'ai été contactée par une journaliste de La Vie, que j'ai connue à l'association PHARE parents endeuillés. Elle m'a reçue et et a écrit un long article sur ta vie et tes souffrances, elle m'a envoyé un photographe, je ne croyais pas avoir une si grande photo! Quelle aventure! et quel plaisir de parler de toi (même s'il y a quelques erreurs de journaliste zélé)